Transsibérien

Ce matin, j’ai réalisé un vieux rêve, j’ai pris le transsibérien ! Enfin, je crois … La plaine était blanche sous janvier. Les arbres de brouillard givrant emmêlés, les masures écrasées sous la neige, le train retardé par les congères. Jusqu’au bout de l’ennui. Une heure décalée, peut-être deux, j’ai des doutes sur le changement. On avance lentement. Enfin, on avance normalement pour un train … mais pas à grande vitesse ! J’ai heureusement pensé aux victuailles mais nul samovar au comptoir. La Madonne des sleepings serait-elle de retour ? Nulle couchette pourtant dans ce grand dortoir. Et je le voyais plus confortable ce voyage à travers la toundra, où il faut bien avouer qu’on ne voit surtout … rien !

Les immigrants d’un jour doivent s’organiser. Vaille que vaille. Valise contre valise. Ce n’est pas non plus le trans-balkans d’héroïque mémoire pour ceux qui connaissent l’histoire. Pas trop de promiscuité en vérité. Juste un … comment dit-on  … un djeune à casquette ! Affalé à mes côtés, il a des red shoes et un slip black. Ne me demandez pas comment je le sais. Ca se voit ! Il regarde Jamel Debouze sur son portable en rires saccadés. Une chance, il pourrait avoir moins de goût. Tiens, je comprends tout ! Ce n’est donc pas du russe, n’en déplaise à Gégé ?  Mais où suis-je ? Je me suis assoupie.

Deux heures de sommeil seulement cette nuit, avant de m’enfuir avant l’aube. Une amie, qu’on appelle Sofy, a pris tous les risques sur la route verglacée pour me mener à la gare. C’était peut-être la partie la plus périlleuse du voyage. Mais celui-ci n’est pas fini et n’en finit pas d’ailleurs. C’est encore loin Vladivostock ? La nuit, je mens, je prends des trains à travers la plaine, répète Bashung à l’envi. J’ai dans la tête des montagnes de question où subsiste encore ton écho …  ou peut-être ton égo ? Ton Lego© ?   Tiens, le jour se lève, déjà ! Il est midi bien avant Lyon. La neige a disparu. Décidément, aucun cadran n’affiche la même heure.

Je me réveille en sursaut. Le ciel est bleu derrière le gris qui s’étire au-dessus du Rhône. Avignon, gare TGV, assurez-vous de ne rien avoir oublié. Je vérifie bien : ma tête, un sac, une valise, un sac, une … non, un sac à dos. J’ai perdu 8 heures et j’ai gagné 10 degrés. Ici la neige s’appelle la pluie que le Mistral a entrepris de chasser très vite. 

Croyance

“La fibromyalgie, c’est d’abord psychologique”, me dit en souriant le contrôleur social. Il est très souriant mon contrôleur, et sympathique aussi à démêler l’écheveau des lois et des cotisations sociales. Il est bon contrôleur mais peut-être pas bon médecin. Je dois démentir. La fibro- ce n’est psychologique, c’est d’abord physiologique ! Il y a du soleil le matin et j’ai mal pareil. Une bonne nouvelle hier, je me tords. Une mauvaise nouvelle aujourd’hui, je me tords aussi. Qu’est-ce que vous croyez ?

Une collègue attentionnée s’inquiète de mon état de santé. “Et si tu reprenais un travail à temps plein”, me demande-t-elle en penchant la tête dans un sourire contrit. Peut-être qu’elle n’a pas bien compris ou que j’ai mal expliqué ? Comment lui en vouloir. Moi-même j’ai bien du mal à admettre tout ce que je ne peux plus faire. D’ailleurs, entre psychologique et physiologique, il y a si peu de lettres qui changent. Et qu’est-ce que ça change au fond ? Sauf que d’avoir si mal sans qu’on vous croit, à la longue c’est déprimant ! Forcément. 

Même en bonne compagnie, la douleur reste aléatoire, tolérable ou strictement insupportable. Les amis sont drôles et gentils, pourtant la situation à table devient rapidement inconfortable, sans même qu’on parle de la libération conditionnelle, du couvent des sœurs au clair ou de la poussée du effen. Le effen ? Vous savez cette plante toxique qui pousse très vite et très facilement dans le Sud,  si on n’y prend garde. Au gré des rencontres, des gens charmants et souriants vous avouent qu’ils la cultivent depuis toujours dans l’isoloir, persuadés qu’elle est inoffensive. C’est fou tout ce qu’on peut croire ! Et comme les gens se font vite des idées ! Des idées, qu’il faut ensuite s’employer à démentir. C’est fatigant aussi. Et peut-être même que ça contribue à la maladie !

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 Il ne faut pas se fier aux apparences,
Avignon a une image très pieuse !

Sans raison

Allez, hop, je poste une photo en couleur ! J’ai besoin de ciel bleu. Ici tout est gris, blanc sale avec la neige qui fond par endroit, et froid surtout. Le Mistral n’y est pour rien, dans le Nord le vent piquant n’a pas de nom. Ces arbres-là sont des platanes, noueux et tortueux à l’image des douleurs qui me traversent, dans une forteresse qui m’enserre. Oui, c’est exactement cette image-là. Il n’y a pas de mots pour décrire ce qu’une photo rend si bien.

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Alors, je me réchauffe un peu à l’idée qu’au coin de ma rue, juste avant le pub irlandais, il y a cette boulangerie, bio s’il vous plaît, qui fait des baguettes si succulentes que j’en mangerais sans faim. Et que lundi prochain, dans le soleil levant sur la route de Montfavet, le chauffeur du bus sera aimable et souriant. Rien à voir avec le bougon du TEC qui râle parce qu’il est en retard et ne répond pas à mes questions. Dans le Sud, les gens seraient plus charmants et le pain meilleur ? Comparaison n’est pas raison. Ici, bien sûr, je capte mieux la radio et la wifi fonctionne sans caprice mais rien n’apaise cette douleur qui me brûle, me hante, me détruit lentement. Je redescends bientôt. Transférer une partie de ma souffrance aux arbres qui se redressent fièrement dans le vent. Ceci est une image.

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En remontant vers le Nord …

Au-delà de Montélimar, il y a du nougat et des nuages qui s’accrochent dangereusement, le ciel se plombe, se grise, se brume … c’est curieux. Rien ne change, rien n’a changé ! Le ciel ici est-il resté pareillement gris durant huit jours ? C’est en remontant, quand l’humidité vous gagne, qu’on mesure la différence qui fait tout. Aucune photo. L’appareil a rendu l’âme, il refuse d’imprimer des images où on ne distingue plus le jour de la nuit, ni les souris qu’elles soient blanches ou grises. La douleur croit à mesure que les kilomètres filent. L’éloignement augmente la souffrance. L’étudiante n’est guère vaillante et désormais seule à affronter le bleu, tandis que sa mère se coltine les nuages bas du Nord, chargés de soucis divers et variés, qu’on pourrait facilement résumer par un tonitruant : quand est-ce qu’on gagne au loto ? L’argent ne fait pas le bonheur mais il y contribue, paraît-il. Un peu d’amour et d’eau fraîche, c’est bien aussi. Ou alors un thé et un peu d’amitié. On avance, on avance, c’est une évidence. Bientôt plus assez d’essence … pour faire la route dans l’autre sens. Va valoir que j’y reste dans le Sud ! C’est un signe certainement ! C’est décidément certain ! C’est décidé, si on veut prendre sa vie en mains, faut s’en donner les moyens.

Illusions

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Ceci est bien d’un pub irlandais sur le sol avignonnais !

(Boulevard Raspail, c’est tout près de la Tour Eiffel, non ?)

J’adore ces arbres-là qui font des ombres
comme un décor de théâtre … entre vrai et faux. 
 

Gallo et pas romain

Voilà un joli village gallo-romain que j’y ferais bien ma maison. Plus gallo que romain d’ailleurs ! Du temps des Ligures …  Mais on ne peut pas réutiliser les pierres, c’est écrit. C’est bien dommage et c’est normal aussi. Dix années à reconstruire ce village aux dates incertaines, habité au XIVe pendant cinq siècles certainement. J’aime bien ! L’habitation à côté de la soue, la bergerie près de la magnanerie, le four et la cour tout autour. Les pierres au sol sont usées comme sur l’Acropole mais aucun temple n’a été dressé. La vue est imprenable sur  … le Lubéron ! C’est juste à côté d’Avignon. Vous verrez, on y arrive facilement, si on prend le temps d’y aller. Evidemment aussi, il le faut savoir, il n’y a pas la wifi. La vie, c’est choisir.

 

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Ma vie sans wifi !

3/1             Pas de wifi, pas de message !

Pour passer du vert de Wallandrie au bleu d’Avignon, il faut passer par le gris de gris. Un gris d’une profondeur insoupçonnée, mêlé de pluie, fait de fin crachin et bruine alternés, de brume et de brouillard par endroit.  Le  ciel est parfaitement inexistant, à se demander même s’il a jamais existé ! Il faut descendre loin pour qu’une timide éclaircie ose s’ouvrir à nous, pour que l’horizon se dégage enfin, loin au-delà du pays des Burgondes. Après Lyon, le ciel jaillit ! Mais le temps d’arriver en Avignon, le soleil décline déjà, brûlant de ses derniers feux sur le Rhône. Nous sommes arrivés. Le bleu ici est orange !

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Vous avez pris le bon TGV !  C’est bien le Rhône qu’on distingue au pied du rocher,
du clocher et du palais des papes …

 

4/1            Pas de wifi, pas de wifi !

Ce matin, déception, le ciel est gris. Haut mais gris ! Le vent est violent. Mais que fait-il le vent ? D’abord, est-ce bien le Mistral ? La chance m’aurait-elle déjà abandonné ? Trouver un opérateur, ensuite une ligne internet et un mobile, si possible groupé. On fait des offres ! Mais c’est Noël  après Noël !!!  Et c’est parti pour quelques heures de patience et de contretemps. Le rib bancaire, indispensable sésame en Profrance. Le dépôt d’une caution, l’empreinte d’une carte suffit. Mais bleue la carte. Sinon, ça ne marche pas. Le transfert de la carte prépayée en carte forfait ? Ca ne marche pas ! Suite un bug informatique, merci la technique. Et l’accès à Internet qui ne marche pas non plus ! Suite à un bug informatique, aussi ? Erreur d’adressage, mystère de la technologie. Ouf, c’est fini l’encodage ! Je signe, je paie, je prépaie. Ca marche ? Eh non, ça ne marche pas ! Oh rage, oh désespoir ! Bienvenue en Profrance. Tiens, le ciel est bleu ! Je suis dans une belle ville, c’est déjà ça …

 

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Ceci n’est pas une cheminée, mais un ciel contrarié !

 

5/1        Quand on n’a pas de wifi, on a des idées !

Ce matin, il y a juste du vent ! Violent, si vous saviez. Si fort que mes pensées s’envolent … Tiens, le message est passé ! Si vous saviez comment ! Non, ce n’est pas de la télépathie. Il y a des trucs aussi pour les sdf du wifi, des trucs inavouables pour les écolos mais qu’on avouera volontiers derrière une tasse de thé, des havres de paix qui n’ont rien d’Avignonnais, et qu’on appelle système D. Avec un Mac, c’est plus pratique. Et c’est logique aussi !  

 

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Où on voit bien que le vent souffle aussi
sous le fameux pont !

Et qu’il n’y a pas de réseau à proximité.