Black Friday

Ils se sont donnés le mot et c’est l’époque qui veut ça certainement. Les cartons, tout de noir étoilés, devaient être imprimés depuis quelques temps déjà. Mais quand FNAC-CLUB-PARFUM-INNO-STAR vous invitent personnellement à un Black Friday, ça donne à flipper ! D’autant que la séance a lieu jeudi soir.

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Et qu’au final les magasins seront fermés parce que le niveau de la menace est monté de 3 à 4. Sur l’échelle de Richter, il s’agit un léger séisme comparable au passage d’un tank dans la rue. Et on l’a bien senti passer le char à Brüssel-Stad ! Pas ceux de la saint-vé opportunément virés du paysage. Non pas de chars en carton mais en canon pour éviter de nous transformer en chair à canon justement. Enfin, c’est ce qui se dit dans les milieux autorisés. L’OCAMisole de force, dirait l’autre. C’est une histoire de fous !

Fais moi mal, j’aime bien quand ça s’arrête ! L’état d’urgence décrété et le danger imminent annoncé ne sont pas de nature à nous rassurer mais à nous faire paniquer. Policiers blindés et militaires surarmés dans la capitale européenne. Personne ne bouge. Les concerts sont annulés, les matchs privés de public. Medor à la niche ! Comme un coup d’état qu’on n’aurait pas vu venir. Taisez-vous dans toutes les langues et sur toutes les ondes. Passe un char, je donne ma langue au chat. Niveau ‘cat. Il est passé par ici, il repassera par là. Niveau moins quat’ dans l’ascenseur, le piège dont on ne peut pas sortir. Les métros, un jour sur trois et une station sur deux. L’école tu fermeras, les hôpitaux tu éviteras… chacun se débrouillera.

Sur les réseaux, c’est l’affolement, le déferlement, l’abrutissement. Je ne sais rien mais je dirais tout. Deux-pièces à loger avec porte blindée. Accumulation du grand n’importe quoi, interventions en direct et en différé, images floutées, interviews réchauffées, questions virales, réponses viriles.

Parfois, une analyse pertinente, qu’on aura pris la peine de traduire d’un média anglo-saxon. Parfois, un anthropologue avisé vient nous expliquer ce qui se joue aux confins du désert. Ce désert qui mériterait à peine qu’on s’y attarde s’il ne servait d’écrin à Palmyre, affirme le guide. S’il ne regorgeait de pétrole, précise l’économiste. Parfois, aussi, un jeune berger tunisien nous raconte les villageois qui vivent sous la terreur depuis des mois et sous la pauvreté depuis des années. Et là, on se dit que ce n’est pas gagné.

C’est à cet instant, monsieur le juge, que j’ai commencé à paniquer. La nausée, jusqu’à dégueuler. Le vertige, la plongée en abysse et en apnée. J’ai senti, ressenti le danger. Je sais le sable. J’ai humé l’ennui et pourquoi Deir-ez-Zor est un endroit à périr, qui ne vaut pas la guerre qu’on va livrer, ni aucun sacrifice. Et pourtant, tant qu’il y aura des combattants de l’obscurité à combattre, il faudra y aller. 

Où va le monde ? A mon chevet, 2084 me nargue. Lire ou ne pas lire ? Il y est fait une description très détaillée de ce qui attend nos enfants, demain et maintenant, dans quelques temps, si on laisse aller. Ce n’est pas une valse. Il est tentant de faire ses valises. Mais pour aller où ? Aucun ilot à l’abri, surtout depuis que le réchauffement climatique s’invite. Comment faire pour l’éviter ? Privés de manifester. Pendant ce temps, les ministres lévitent, trois pieds au-dessus du niveau de la mer. Qui monte, qui monte… Putain, ça penche, Alain, on voit le vide à travers les planches ! Nike, Diesel, Chanel, Cacharel, Hermès, Converse, Yamamoto, Petit Bateau,… putain, ça tangue ! On nous vend du vent, des espaces radio pour des assurances obsèques, la promotion du nucléaire, les soldes avant l’hiver. Black Friday, ils disaient…  Blackstar, Bowie chantait. C’est exactement ça, écoutez bien. Ouvrez les yeux ! Nous sommes dans un cauchemar. 

 

Blackstar David Bowie 2015